Cliché N°4 - "Le conservatisme est passé à gauche"

Publié le par Félix M.

4516070712_8ca0e8b28b.jpg A chaque fois que la droite tente de revenir sur les acquis sociaux comme elle ne manquera pas de le faire sur les retraites après les concertations pleines de suspense, cette pseudo-analyse de comptoir refait surface: le réformisme serait à droite, et la gauche serait conservatrice. Cette idée est révélatrice de l'époque, où le progressisme des Lumières a laissé place à une société caricaturale croyant que tout changement est valorisable en tant que tel. C'est la dictature du mouvement, de l'instantané, de la bougeotte frénétique et décérébrée, qui nous fait appeler réformes les retours en arrière. Comme si le progressisme se résumait au mouvement, sans considérations de fond quant au mouvement en question. Or, si toutes les avancées historiques ayant été dans le sens du progrès humain ont par essence correspondu à des bouleversements, tous les bouleversements ne correspondent en revanche pas par essence à un progrès de la condition humaine.


L'Histoire éternelle du progrès : se faire récupérer après coup

L'histoire du progressisme est celle de l'éternelle actualisation des cadres de pensée: systématiquement minoritaires au début de leur combat, les progressistes sont ceux qui, s'extirpant des présupposés ambiants, prennent un recul suffisant pour analyser la société de leur époque, en pointer les maux et prôner des idées en conséquence. Lorsque les idées minoritaires deviennent des idées répandues voire communes au fil du temps, c'est le sort éternel des progressistes que de se faire récupérer par les opportunistes après coup, une fois leur combat reconnu. Et c'est au nom du progressisme d'hier que les réactionnaires ou opportunistes combattent les progressistes du présent. (C'est l'Histoire de Jésus puis des 4011404826_25fea5f390.jpginstitutions catholiques; de Marx puis de l'Union soviétique; des Libéraux puis des néolibéraux; du gaullisme étatiste puis de la droite libérale qui s'en réclame; des sociaux-démocrates puis des sociaux-libéraux; de la mode du pragmatisme puis de celle du fatalisme; de l'urinoir de Marcel Duchamp puis de ses redondances du FRAC *1; des Pokémon puis des Digimon, des mode vestimentaires puis des caricatures de mauvais goût qu'elles engendrent; de Gallilée puis des postures de Claude Allègre; de Jaurès, Blum, du souvenir de la Résistance, puis de Sarkozy les reprenant au nom de l'absence de "filiations automatiques" avancée par Guaino). Il n'y a donc rien d'étonnant à voir aujourd'hui le camp réactionnaire se draper de l'effigie du progrès, puisque la vision de l'Histoire basée sur le progrès est aujourd'hui ancrée dans les moeurs. Alors que le camp du fatalisme considère les contraintes du système économique en place comme des arguments opposables aux partisans d'un autre système, ce fatalisme (qui ne laisse place à aucune idée de progrès ni même de choix démocratique réel) arrive précisément à se faire passer pour du progressisme. Pourtant, si l'horizon des projets de gauche ne se résume pas à lutter contre les desseins réactionnaires de la droite, "garder les acquis est bien le moins quand on croit au progrès" *2, comme l'a écrit François Hollande avant ses quelques malheureuses prises de position récentes. Dire que la gauche est conservatrice, c'est faire comme si la droite, elle, n'était pas réactionnaire.


ACTU - retraites

-> Retraites: les priorités du PS

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*1 - Créateurs en mal de provocation, le Monde diplomatique

*2 -  Devoir de vérité, Stock, 2006

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