De Solutré aux Glières, de Mitterrand à Sarkozy, de la résistance à l'opportunisme
À propos de récupération systématique de la mémoire des progressistes du passé par les réactionnaires ou les opportunistes du présent, ce qui ce passe tous les ans sur le plateau des Glières depuis 2007 est assez touchant. Le candidat Sarkozy voulait faire de ce haut lieu de la Résistance sa roche de Solutré*(1), promettant d’y revenir chaque année, après s’être fait filmer par une forêt d’ objectifs dans ce qui était une mise en scène grotesque de promeneur solitaire et recueilli face à l’Histoire de France, à deux jours du premier tour de la 
présidentielle. Sauf que voila, les anciens progressistes sont faciles à récupérer lorsqu’ils sont morts, mais des résistants de la seconde guerre, il en reste beaucoup de bien vivants, et pas du tout contents de se faire récupérer par le bonhomme qui est à son époque l'inverse de ce qu’eux étaient à celle de l’occupation. Et au grand dam de ces messieurs de l’UMP qu’intéressent leurs vieux combats rec onnus mais pas ce que le même état d’esprit les amène à dire aujourd’hui, ils protestent chaque année, rappelant combien la politique néolibérale du gouvernement va à l’encontre des acquis et même de l’esprit du Conseil national de la résistance, qui a fait avancer notre état-providence dans le contexte de l’après-guerre où la bourgeoisie faisait profil bas après avoir collaboré. Refusant d’enfermer la résistance dans le passé mais rappelant que , comme le disait Lucie Aubrac, « le verbe résister doit toujours se conjuger au présent» ; ils viennent donc tous les ans protester. Car Pétain et Sarkozy, au delà des rafles, ont finalement en commun d’être à leur époque ceux qui, au nom du réalisme, proposent à la France de s’aligner sur ce qui est présenté comme inévitable : le fascisme hier, le néolibéralisme aujourd'hui.
Au-delà de ce contexte précis, c’est à tous les « récupérés » non-consentants de l’Histoire que rendent justice ces vieux combattants. Jeanne d’Arc n’est pas là pour protester quand les frontistes viennent l’honorer le 1er mai, Jaurès et Blum ne pouvaient pas se défendre aux meetings de Sarkozy en 2007, Jésus ne peut pas moucher Benoit XVI et autres gugus du Vatican, pas plus que les constituants de 1789 ne peuvent empêcher les néolibéraux de se servir d'eux pour défendre, au nom du droit à la propriété, le servage bonifié d'égalité civile qui a pour nom capitalisme. Pour une fois, il est assez plaisant que les récupérés soient encore là pour empêcher le récupérateur de récupérer en toute impunité. Tout comme il est rigolo de voir, dans la bande-annonce du film Walter en résistance, le président UMP de l’Assemblée nationale menacer les organisateurs de la manifestation, leur disant combien est scandaleux le parallèle entre résistance d’hier et d’aujourd'hui… Non seulement on récupère la mémoire indue de ceux qui ont agi avec courage, mais on ne leur accorde même pas le respect minimal ni même la légitimité de la protestation. L’usurpateur, pris la main dans le sac d’un héritage moral indu et qui, au lieu de baisser la tête, fait la morale aux héros qui ont pour défaut de ne pas encore être des statues muettes… quelle outrecuidance, quelle leçon magistrale de culot !
Il y a quelque mois, dans L’humeur vagabonde de France-Inter*(2), le résistant Raymond Aubrac racontait combien il avait été bouleversé de voir des jeunes lui affirmer comprendre son discours sur la nécessité de résister, avant de lui dire avoir voté Sarkozy. Il est intéressant que, combattant cette inertie de ceux qui aiment la résistance passée sans regarder autour d’eux à leur époque, des Résistants d’hier viennent dire la nécessité de toujours actualiser la révolte… Ce qui est plus utile que de se demander rétrospectivement si on aurait été dans le camp des gentils, une fois que l’Histoire a tranché et que les méchants sont clairement estampillés comme tels. Le collectif Citoyens Résistants d’Hier et d’Aujourd’hui va bientôt remettre ça, sur le plateau des Glières, les 15 et 16 mai : http://www.citoyens-resistants.fr/ . A défaut de pouvoir se rendre à leur rendez-vous, il est intéressant de jeter un coup d’œil à leur site.
*(1) La roche de Solutré est un petit mont que François Mitterrand avait pris l'habitude de gravir à la Pentecôte depuis la Résistance (bien avant les accusations infâmes que lui ont fait subir, à la fin de sa présidence et de sa vie, des procureurs confortablement installés dans leur fin de XX° siècle pacifié).
*(2) L’humeur vagabonde du 11 novembre 2009 : http://sites.radiofrance.fr/franceinter/em/humeurvagabonde/index.php?id=85194
Première image prise à avenirdattac.net